Term L, spécialité Art-Danse

Paroles de Emma, Réjane et Ingrid
recueillies par Marie-Jo Combaret, professeur d’EPS
lycée Récamier, LYON (69)
Classe de Terminale – Spécialité Arts-Danse

Contexte

Ces « paroles d’élèves » concernent : 3 élèves de Terminale L qui préparent le Bac L3 Danse.
Elles suivent cinq heures hebdomadaires (comme en Première) au cours desquelles elles ont approfondi la culture chorégraphique : ateliers avec des artistes intervenants, histoire de la danse, conférences dansées, analyse de spectacles, rencontres avec les artistes, ateliers d’improvisation, recherches chorégraphiques.

Paroles de Emma, Réjane et Ingrid :

Qu’est-ce que la danse pour toi ?

Emma : « On me pose cette question : Qu’est-ce que la danse pour toi ?
Depuis trois ans, et comme tous ceux qui sont passés par l’option de
spécialité danse, ma réflexion, mon ressenti ont évolué. Aujourd’hui je
répondrais que c’est le premier domaine où je me sens MOI. Je peux me
reconcentrer sur tout ce que je fais si je prends conscience que mon corps
et mon esprit marchent ensemble. Traverser cette expérience signifie pour
moi une traversée de soi-même. Par l’improvisation, ce qui nous est ouvert
est la piste de ses possibilités, la confiance en l’autre qu’on atteint peu à peu,
l’émerveillement à la nouveauté de chaque travail avec un nouvel artiste.

Cette « danse traversée » ne se décrit pas avec des mots techniques, des
formes ou des couleurs. C’est personnel, au-delà de la performance, solide,
sucré de plaisir sur l’enrobage et mou et vulnérable à l’intérieur, comme une
pomme d’amour.

J’illustrerais mon parcours ainsi. D’abord une pomme nature, sans autre
protection que sa petite peau, persuadée d’être entière et invariable. Et avec
le temps l’enrobage s’additionne, s’accumule et s’agglutine, forme une
carapace solide et enrichie à chaque pluie d’éléments, chaque recherche,
chaque atelier, chaque rencontre. Et l’intérieur se fragilise par la
sensibilisation. Il craque au moindre coup de dent. Cela arrive tous les jours,
par des larmes ou de la colère. Mais ce n’est pas malsain, c’est prendre du recul sur le monde qui nous entoure. On acquiert une forme de maturité. On se fabrique notre propre philosophie par un rassemblement de ce qu’on reçoit et de ce qu’on prend.
J’ai vécu l’expérience comme un cadeau, délicatement délivré et reçu avec beaucoup de plaisir sur trois années.
Maintenant je danse tout le temps, même quand je m’énerve, quand je ris, quand j’attends : « L’immobile est l’éternel mouvement ». Il y a de l’énergie dans chaque geste de la vie. Les traces qui me restent sont comme des pavillons ouverts sur le monde. Une mobilisation de l’esprit par le corps qui vient progressivement et non l’inverse. Et c’est bien plus concret, bien plus rassurant de savoir qu’on a deux pieds sur terre pour se sentir vivant. »

Réjane : « Il est difficile de définir la Danse. Est-ce un moyen de s’exprimer, de s’évader, de
laisser éclater son imagination, de se libérer… ? Pour moi ce serait avant tout un nouveau
langage. Ma vision de la danse a évolué durant ces trois années et je dirais que plus j’ai de
connaissances et moins j’arrive à définir la danse, surtout en raison de la richesse de sa
diversité. J’ai traversé quelques formes dansées. Cela a été difficile, instructif, passionnant.
J’ai expérimenté différents états de corps. J’ai peu à peu pris conscience à quel point il fallait être
réceptif et toujours prêt à se dépasser à chaque atelier. Souvent on se remet en question. Aller
chercher ailleurs, expérimenter de nouvelles matières, c’est aussi déranger nos habitudes.
Grâce à la rencontre avec les artistes, les différents ateliers, je n’ai plus la même sensation de
mon corps lorsque je danse. J’ai pris conscience d’un état de danse, ce que je n’avais jamais
ressenti auparavant. Cela est difficile à expliquer mais maintenant je sais quand je danse
vraiment ou pas. Cet état de danse demande une concentration extrême, une prise de
conscience de son corps et de l’espace qui l’entoure.
Bien danser c’est pour moi accepter son corps et le connaitre. C’est explorer les multiples
possibilités de mouvement. C’est être autant conscient de sa tête, ses bras et jambes que du
battement de son cœur, de son regard…
C’est accepter de s’abandonner aux mouvements tout en étant conscient de ce que l’on fait.
C’est donner à voir. C’est croire en ce que l’on produit et l’assumer. Et puis c’est tout simplement
prendre du plaisir. »

Ingrid : « La danse c’est : une forme artistique. Une créativité débordante canalisée et organisée. Un corps, un esprit, une conscience. Un inconnu qui exécute des mouvements avec ce qu’il est. Une technique. Une recherche. Une exploration. S’abandonner. Se surpasser. Chercher au plus profond de soi. Une relation. Un échange. Un partage…Et la liste continue indéfiniment.
La danse que j’ai traversée a été comme un long couloir avec des portes que j’ai ouvertes et dans lesquelles j’ai découvert des aspects que j’ignorais jusque-là. Et ce couloir ne se termine jamais.
La danse que j’ai vécue est un enrichissement culturel et personnel. C’est comme si
j’avais été un randonneur qui aurait grimpé une montagne, en chemin il fait de
multiples rencontres. Parfois il a besoin d’outils pour grimper, il doit s’arrêter car
l’obstacle est grand, il transpire. Mais comme il veut arriver au sommet, il sait qu’il peut
le faire. Arrivé au sommet, il savoure le paysage et se réjouit des exploits accomplis.
Avec cette expérience je me suis découverte, ou presque ! J’ai compris que je pouvais
toujours me surprendre si on me poussait ou que je cherchais.
J’ai été fascinée par l’enseignement de cette option danse et la richesse de la culture
chorégraphique. Mais je trouve que le milieu de la danse est encore réservé à une
certaine élite. L’art de la danse devrait s’ouvrir à un plus large public et surtout devrait
être expliqué aux jeunes et aux moins jeunes. Il est passionnant de comprendre le
parti-pris d’un artiste.
Cette expérience a changé mon sens critique et l’a accru. J’essaie d’accepter et de me
nourrir de ce que je vis : des rencontres, des savoirs, des gestes. Pour moi la vie est
une danse, chaque personne une forme d’art.
J’ai pris conscience que chaque artiste est contextualisé dans son époque. Grâce aux
œuvres au programme, j’ai pu découvrir la diversité d’inspiration des chorégraphes et
les formes d’écritures d’une richesse incroyable. J’ai aussi compris qu’en art rien n’est
interdit, tout est possible : danser sur les toits en luttant contre la gravité, créer grâce à
l’aléatoire, travailler en interaction entre les arts, évoquer une période historique,
raconter une histoire…la liberté de création est infinie.
Mon regard sur le spectacle vivant a grandi en s’ouvrant. En s’imprégnant du travail d’un artiste, on apprend de soi et on développe notre capacité à créer de nouvelles matières dansées sans se laisser enfermer dans des codes définis et immuables. Il faut avant tout oser.
Tout ce que j’ai appris est inscrit en moi à jamais.
Chaque jour je danse, quand je marche je danse. Souvent je pense à l’énergie qui parcourt mon corps, à mon regard, à mon poids dans le sol et je vole de plaisir. »