Licence STAPS, 1ère année

Paroles de Kévin
recueillies par Eve Comandé, professeur EPS
UFRSTAPS de Caen (14)
Première année de Licence STAPS, polyvalence danse (L1)

Contexte

Interview de Kévin (18 ans), pratiquant gymnaste.
Au cours de cette première année, les étudiants doivent obligatoirement suivre un enseignement de polyvalence niveau 1 dans l’activité Danse.
Cet enseignement se compose de 12 leçons pratiques d’1h30 et de 12 cours magistraux théoriques de 2H. Il se termine par la présentation, à l’ensemble de la promotion, d’une chorégraphie collective.
Les étudiants s’organisent par groupes affinitaires de 4 à 6 danseurs. La chorégraphie, d’une durée d’environ 3 minutes, est composée et interprétée par eux-mêmes sur un thème de leur choix.

Paroles de Kévin

Rencontre avec Kévin, deux mois après cette expérience.

Est-ce que tu peux décrire la danse que tu as traversée ?

Moi j’aurais dit que c’est plutôt de l’expression corporelle, l’expression de
sentiments avec des mouvements, montrer son énergie… Pas vraiment de la
danse comme on pouvait l’imaginer. Je me représentais la danse comme
une activité plus structurée, moins libre, avec des mouvements spécifiques…
avec quelque chose de donné à recopier. Je pensais que si on faisait un
faux pas ça allait se voir. J’ai été surpris par l’espace de liberté, on peut
facilement se libérer, il y a la place à l’improvisation. On en a beaucoup parlé
entre nous et on avait tous l’impression de faire plutôt de l’expression
corporelle.

Comment l’as-tu vécue ?

Je suis tombé dans un groupe de garçons, aussi je pensais qu’on allait être
cloués sur le sol, qu’on n’arriverait pas à se détacher de l’idée qu’on avait de
la danse. Quand on a appris qu’on allait faire « danse », nous les garçons,
ça nous a fait un peu peur, on ne savait pas trop au début… c’était un peu
drôle. Et puis non, ça passe facilement, on se met facilement dedans. C’était
plutôt agréable, on a passé de bons moments.
Je suis étonné d’avoir dansé comme j’ai pu le faire, j’ai appris que je pouvais
faire des choses que je ne me croyais pas capable de faire. J’ai appris à ne
pas réfléchir, à ne pas me demander si j’allais être ridicule, à faire comme je
sentais. En cours, on n’est pas retenu. Selon les situations, on n’est pas
nécessairement sous le regard des autres, on est là pour apprendre et ça
ne m’a pas gêné de faire des choses… quand même peu classiques !
Au début, quand on a su qu’on aurait à composer une chorégraphie, on pensait qu’on allait avoir du mal, on ne pensait pas qu’on pouvait construire une chorégraphie aussi simplement. On était quatre, on a fonctionné tous ensemble et en fait ça s’est super bien passé ! On est parti d’un petit truc et on a construit un bout chacun et on est arrivé à un résultat pas mal ! ça a plu ce qu’on a proposé, même les garçons ont apprécié ! Personne n’imaginait qu’on pouvait faire des trucs comme ça. On a choisi de danser sans musique même si ça nous inquiétait un peu au début. On pensait que c’était un pari risqué : ça peut plaire beaucoup ou pas du tout. On est allé crescendo avec des bruits, de la voix, puis on est revenu au calme pour danser à l’unisson. C’est agréable de créer une chorégraphie. C’est dur de la démarrer et puis quand on la réalise, on est satisfait… on est un peu fier de nous.

C’est quoi pour toi « bien danser » ?

Bien danser, c’est quand c’est beau à voir, qu’il y a de la finesse, de la coordination, de la légèreté. Mais ça dépend des personnes, c’est subjectif.

Est-ce qu’il y a des côtés qui t’ont déplu ou dérangé ?

Rien ! Quand j’allais en danse, j’étais content. Je n’ai jamais été absent une seule fois et j’y allais tout le temps avec plaisir. C’est pas contraignant, on n’est pas tenu de faire ceci ou cela, on ne travaille pas comme des soldats, on cherche des choses, on est tous ensemble, on parle, on invente notre danse. Je ne vois pas de points négatifs. Dès le départ, j’étais curieux de voir ce que ça allait être, je ne savais pas du tout. Franchement, c’est une belle expérience et j’en referais volontiers. Par contre, je ne sais pas si j’aimerais l’enseigner. Ça doit être difficile, faut de l’expérience pour ça. Plus tard, je voudrais enseigner l’EPS dans le secteur « adapté ». Pourquoi pas la danse, surtout au niveau des contacts, ça peut aider.

Danser tout seul, ça m’attirerait moins, je me sentirais un peu perdu mais en groupe c’est super bien, surtout quand on n’a pas beaucoup d’expérience. On s’entraide, il y a une cohésion. La chorégraphie ne tient pas sur une seule personne, s’il y en a un qui loupe quelque chose les autres le rattrapent. Et puis il y a des discussions, on n’est pas toujours d’accord, mais il y a un projet commun et on arrive quand même à faire ce qu’on envie de faire. Avec les différences de chacun, on crée de nouvelles choses. Le point négatif : c’est que quand on travaille à quatre, on se renferme un peu sur nous-mêmes, ça aurait été bien de pouvoir montrer ce qu’on avait créé plus souvent, de s’ouvrir un peu aux autres, de voir aussi comment ils fonctionnaient.

Quelle(s) différence(s) fais-tu avec les autres activités physiques que tu connais ?

Dans les autres APS, on ne se pose pas trop de questions, on sait ce que c’est et ce que ça va être. En danse, le regard des autres, ce qu’ils pourraient penser de nous, ça reste important. Au début, on a peur d’être féminisé par l’activité, ou d’entendre des réflexions comme « t’as vu, il danse comme une fille… », mais en fait pas du tout. On garde notre masculinité, voire plus ! Et les garçons réussissent aussi bien que les filles !
Et puis c’est l’activité qui libère le plus du stress, on lâche des tensions et on se sent mieux après. Quand on sort de la salle de danse, on est calme. On se vide mais ce n’est pas la même dépense que dans les autres sports. Après le hand par exemple, on s’est défoulé mais on n’est pas forcément libéré.

Quelles traces de la danse gardes-tu dans le corps ?

De la sûreté. Se dire qu’on a pu danser devant d’autres personnes, ça donne de l’assurance. La notion de contact aussi, se toucher, se pousser, aller vers l’autre… c’est bien les contacts entre personnes et on n’a pas souvent l’occasion. Je pense que ça a rapproché les gens. On a eu danse au premier semestre, on connaissait très peu de personnes, le fait de danser ensemble ça a créé des relations entre nous.

Et puis j’ai appris des choses sur moi. On apprend des choses sur nous quand on danse. On fait des choses et on ne sait même pas pourquoi, on invente, on est surpris. On se demande d’où ça sort. Et puis ça nous emmène ailleurs. Quand on sort du cours de danse, ça nous arrive de redanser ce qu’on a fait. La danse, c’est pas seulement dans la salle de danse, c’est en ville, dans la rue.

Pour finir donne-moi trois mots, sans explications, pour qualifier ton expérience en danse.

Plaisir, ailleurs, libération.