Interview de Marilén IGLESIAS-BREUKER

Marielle B. pour Passeurs de danse : L’expression Passeurs de danse revêt un sens particulier pour toi. Peux-tu nous parler de ce film que tu as dirigé il y a quelques années intitulé Passeurs de danse ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Avant de parler de ce projet, je souhaiterais le resituer dans mes conceptions et mes
préoccupations. Je m’intéresse particulièrement à la mémoire, sans laquelle aucun être humain ne peut se développer. On le voit
bien avec les personnes âgées : lorsqu’elles perdent leur mémoire, leur personnalité se déstructure.
Je suis ainsi convaincue que la contemporanéité et que l’art contemporain ne peuvent exister sans mémoire. Quand on travaille
sans mémoire, on travaille dans l’ignorance. Créer quelque chose de nouveau, c’est faire arriver quelque chose dans un monde qui existe déjà. La nouveauté n’advient que si on préserve la mémoire qui est essentiellement un acte au présent. Ce sont les traces que nous avons gardées. Et on sait aujourd’hui, avec le développement
de la génétique et des nouvelles technologies, à quel point les traces sont présentes en nous, souvent de façon inconsciente.
Je m’intéresse à la trace et à la mémoire mais ce n’est pas
passéiste, c’est la condition du nouveau, de la nouveauté et de la
création.
Pour faire du nouveau, il faut prendre conscience de ce qui existe et
a existé dans nos mémoires et dans nos corps, soit pour le faire
resurgir, soit pour l’effacer si on juge que ces traces ne sont pas
intéressantes. C’est la raison pour laquelle je me suis intéressée
à la mémoire de la danse.
En 1996, j’ai ainsi initié un projet de recherche en équipe sur la
mémoire de la danse européenne, avec Marion Bastien qui
travaillait en Labanotation, Laure Guilbert, Luc Petton avec qui je
collaborais à l’époque et Christine Brunel. Nous avions pensé le
projet en 3 volets :
• le premier concernait la recherche purement théorique,
• le second la reconstruction d’oeuvres,
• le troisième la réalisation d’un film.
Concernant le deuxième volet, nous avions choisi les formes solo et duo car ce sont les moins transmises. Il y a en effet une difficulté à transmettre un solo créé pour soi, en particulier pour les auteurs de la modernité. La plupart de ces soli étaient transmis pour la première fois depuis leur création, pour certains c’étaient même des re-créations. Dans ce volet, nous avions également fait des créations : j’en avais conçue une en hommage à Harald Kreutzberg que j’avais rencontré quand j’étais jeune et Christine Brunel avait fait une pièce en hommage à Karin Waehner qui était sa professeure à ses débuts en Allemagne.
Pour le troisième volet, nous n’avons eu le financement que pour la 1 ère partie du film que nous avons intitulé Passeurs de danse. Il concernait la transmission de trois soli d’auteurs fondateurs de la danse moderne en France (Karin Waehner, Jacqueline Robinson, Dominique Dupuy). La 2 e partie du film a été tournée mais n’a jamais été montée ni diffusée faute de financements.
On avait choisi l’expression « Passeurs de danse » car il y a la notion de passage, un peu comme un bateau qui t’aide à traverser vers une autre rive. En même temps, quand tu es arrivé tu n’as pas besoin de porter le bateau sur tes épaules. Il faut savoir s’en détacher, en garder la trace et la mémoire mais aller plus loin. Ne pas rester dans une chose un peu fermée sur soi. En référence à un conte perse, je dirais que le « passeur », c’est celui qui va mettre de la lumière là où on ne voit pas par nous-mêmes. C’est celui qui nous aide à regarder autrement, dans des espaces où nous n’irions pas chercher tout seuls.

Marielle B. pour Passeurs de danse : Au-delà de ce projet, dans une perspective plus générale, que représente pour toi en tant qu’artiste chorégraphique cette idée de « Passeurs de danse » ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Dans la danse contemporaine
comme dans l’oralité des sociétés traditionnelles, beaucoup de
choses se transmettent de personne à personne, de corps à corps.
En fait, les passations se font selon différentes formes. Par
exemple, il peut y avoir passation quand on voit quelqu’un danser
sur un plateau et ça peut nous marquer à vie. Quand j’ai demandé
à Françoise Dupuy ce qui l’avait marqué, elle m’a répondu d’avoir vu
danser la Cie Limon. Or, elle n’a jamais travaillé avec José Limon
mais il était important pour elle.
Personnellement, quand j’avais 5 ans, j’ai vu danser Carmen
Amaya, la grande danseuse de flamenco. Ce qui m’a frappée, ce
n’était pas le côté rythmique un peu spectaculaire. Non, j’ai été
fascinée par ce moment où elle est entrée, dans le silence, avec
une grande robe noire, de profil, de cour à jardin, en faisant une gestuelle très lente, presque du bûto. Elle faisait juste un petit z apatado avec les pieds. Il y avait un homme en face d’elle. Cette image m’a énormément marquée, elle a été ma première émotion esthétique. Je me suis dis « c’est ça, la vie c’est ça ». A cet âge, je ne pouvais pas dire, ce sera mon métier. Il y a eu quelque chose d’éblouissant, une sorte de tension dans l’espace et le temps, une présence qui s’affirme où on voit comme par transparence quelque chose de très fort et à la fois de minimal : juste la présence de ces deux personnes sur le plateau.
Par la suite, j’ai retrouvé cela en voyant danser Carolyn Carlson, par exemple. C’est pour moi une forme de passation qui se fait par le biais du spectacle.
Il y a une autre forme de passation qui se fait à travers les cours. Actuellement, de par l’évolution du métier, les danseurs picorent beaucoup à droite à gauche, dans les stages. Mais à une époque, on suivait une personne un certain temps, on intégrait des choses qu’on pourrait appeler un langage commun c’est-à-dire des habitus dont on n’est pas toujours conscient. Et cette passation m’a toujours semblé très importante.
Quand j’ai rencontré Harald Kreutzberg à 14 ans, alors que je dansais depuis longtemps les danses folkloriques argentines et la danse classique, j’ai senti que c’était autre chose, que je touchais à la créativité. J’ai appris à ce moment que la danse peut passer par la création. Chez Kreutzberg, on pouvait créer, c’était une alchimie. Dans ces ateliers que j’ai eu la chance de suivre pendant 9 mois, je touchais à l’infini comme au milieu de l’océan ou de la pampa. Il y a eu quelque chose de profond et de fondamental qui est passé : le sens artistique, que Kreutzberg avait lui-même travaillé avec Mary Wigman.
Quand on commençait les cours, on devait rentrer dans l’espace. Il n’était pas vide mais habité par tout ce qu’il y avait eu avant. On ne pouvait pas rentrer dans l’espace en réajustant son vêtement ou ses cheveux, on était en danse dès le début du cours. Je pense que cela a à voir avec le sacré. Pas le sacré en tant que religion, mais un certain rapport avec la verticalité que j’ai retrouvé chez tous les danseurs issus de l’école allemande ou de Nikolaïs.
Dans ces conceptions là de la danse, la verticalité, c’est ce qui nous dépasse infiniment, car tout se construit à partir de la résistance à la force de la gravité. Le plus petit mouvement nécessite cette intention de résistance à la gravité. Si on se réfère à la modélisation de l’icosaèdre, la verticalité avec ses 2 polarités le haut et le bas, n’est pas, contrairement aux autres directions, une dimension relationnelle. C’est l’infiniment grand. Et puis il y a le centre, le point où toutes les directions se croisent, qui donne accès à la dimension intérieure du corps, l’infiniment petit.
Après, on peut mettre ce qu’on veut derrière « ce qui nous dépasse infiniment » : l’art, la mystique, l’Histoire.Mais de toute façon, la force de la gravité existe que nous soyons là ou pas, donc elle nous dépasse. Elle a à voir avec la relation de la terre avec les astres, le cosmos.C’est le fait qu’il y ait quelque chose qui nous dépasse qui renvoie au sacré pour moi.
Et à partir du moment où ça nous dépasse, on peut peut-être se rassembler autour d’idées, de notions, car si chacun est dans sa bulle, on danse dans sa bulle. Pour nous réunir, il faut des idées, des idéaux qui nous dépassent en tant qu’individu. Cela m’interpelle dans ma vie de danseuse et de personne puisque je me suis toujours beaucoup engagée. Ma danse est engagée.
Cela m’amène à évoquer la transmission de la pensée, mais là ce n’est pas propre à la danse. Mais tout cela, ce sont des passations.

Marielle B. pour Passeurs de danse : Aujourd’hui, dans tes
activités actuelles, te sens-tu particulièrement ou spécifiquement
« passeuse de danse » ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Je crois que j’ai toujours pratiqué
la transmission, avec les danseurs de la Cie, à travers les stages,
les formations de formateurs au Diplôme d’Etat de danse.
Je me suis intéressée à l’époque au projet Passeurs de danse car
je trouvais qu’il y a des trous de mémoire.
Puis pendant une période, je me suis plutôt penchée sur ma
mémoire personnelle liée à mon identité latino-américaine. J’ai fait
ainsi un projet sur la condition des femmes indigènes, puis sur la
crise en Argentine. C’est une période où j’ai retrouvé mes
engagements sur les droits humains. J’ai fait une dernière pièce
intitulée Good bye Patagonia ! qui boucle ce cycle. Le thème de la
pièce traite de la façon dont la civilisation occidentale et sa pensée
issue du siècle des Lumières ont véhiculé l’idée de leur suprématie
sur les autres civilisations alors qu’elles ont conduit en de
nombreux lieux à de véritables désastres. C’est le cas en Patagonie
qui a vu le génocide des Indiens et aujourd’hui la fonte des glaciers
due au réchauffement climatique. La pièce traite le sujet de façon
loufoque avec des clins d’oil mais le fond est tragique.
Mon prochain projet porte sur la notion de travail et d’effort dans la
danse et dans la société. Quelle est la valeur du travail pour chacun ? Quelle est la part de labeur et d’oeuvre dans le travail ? Quand on pose la question aux gens, la plupart ne donne pas
qu’une valeur pécuniaire au travail, chacun y trouve aussi une part
de réalisation.
Et je questionne aussi la part du corps dans le travail aujourd’hui.
Si le corps disparaît comme dans l’usage des NTIC, alors qu’on
sait que les sens génèrent des perceptions qui nous aident à
construire des images, elles-mêmes au fondement de l’imaginaire,
n’est-on pas en train d’atteindre notre capacité à imaginer ?

Marielle B. pour Passeurs de danse : Pour toi, « passeurs de danse » à l’école, cela prendrait quel(s) sens, quelle(s) direction(s) ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Mes danseurs et moi-même avons beaucoup travaillé avec les scolaires. Nous avons beaucoup, entre autres, transmis la richesse des principes d’improvisation dans le groupe élaborés par Laban.
Lors de mon projet sur la danse européenne, je me suis aperçue que les recherches de Laban portaient d’abord sur le groupe et qu’après seulement sont venus les travaux sur l’individu, l’icosaèdre, etc.A cette époque, il y avait une importance de la communauté. En étudiant des archives (textes, photos.) à Cologne, j’ai pu approfondir les méthodes de travail qui étaient employées et je les ai réactualisées de 2 façons : d’une part en exploitant ces principes à travers les danses de chour que j’ai fait travailler y compris avec des scolaires et d’autre part en reconstruisant l’une des danses de chour les plus connues, la vague de Knust.
Dans les danses de chour, on aborde des principes d’improvisation de groupe qui se fondent sur des contraintes très précises dans le temps, l’espace. mais qui laissent une part d’interprétation personnelle à chacun. Il s’agit de principes c’est-à-dire d’un cadre à l’intérieur duquel chacun va pouvoir produire ses propres
gestes. Par exemple, le groupe se déplace selon le même rythme
pour tous dans la même direction (sur la diagonale) mais chacun,
à l’intérieur, peut avoir une orientation différente. On peut également
travailler sur la forme, la Gestalt, qui peut être complémentaire ou
en contraste.On peut ainsi faire une fresque et tout à coup,
introduire un contraste dynamique, spatial.
Chacun doit se concentrer sur sa relation aux autres et à l’espace
et pas seulement sur ses propres mouvements. La conséquente
immédiate est qu’on se sent plus à l’aise car chacun ressent qu’il
fait partie d’une totalité. Mais il ne s’agit pas d’essayer d’être
ensemble en dépendance d’une musique ou d’un rythme extérieur.
On est ensemble parce qu’on danse ensemble, on regarde l’autre,
on a conscience de l’autre. On est dans la sensation de l’autre et de
l’espace.

Ce sont les principes labaniens du mouvement mais appliqués au groupe. L’intérêt est de pouvoir proposer ces danses à tous, de 7 à 77 ans puisque chacun bouge en fonction de ses possibilités, pourvu qu’il respecte le cadre de contraintes et notamment la relation aux autres et à l’espace. D’ailleurs, ces principes qui ont été travaillés par Laban entre 1910 et 1930, ont été expérimentés initialement avec des amateurs. J’ai personnellement créé des danses de chour qui ont débouché sur des formes de spectacle de 25 à 30 personnes mêlant des amateurs débutants, des amateurs avertis et des professionnels.

Travailler sur ces principes est très formateur pour les enfants car
cela forge le respect et la responsabilité. J’ai souvenir d’une
expérience avec des collégiens avec lesquels j’avais mis en oeuvre
ces principes alors que leur thème était ‘liberté, égalité, fraternité’.
On s’est vite rendu compte que ces notions, travaillées au travers
des principes d’improvisation de groupe, impliquaient la notion de
responsabilité. Par exemple, si j’accueille le poids d’un camarade,
j’en suis responsable. Mais je dois aussi savoir le lâcher pour ne
pas le gêner s’il doit retomber sur ses mains. Il y a donc une prise
de conscience de sa responsabilité vis-à-vis de soi et de l’autre.
Dans ce travail, des termes très abstraits comme ‘liberté, égalité,
fraternité’ devenaient très concrets.

J’ai également conduit un autre projet avec des écoles intitulé
« la missive ». C’était l’idée d’une transmission démultipliée : je transmettais à mes danseurs qui à leur tour transmettaient aux élèves. Nous travaillions avec des objets tels que des cordes, des fils qui symbolisaient des missives à l’image d’un fil qui sort de la bouche et qui représente un message. Chacun de mes danseurs était responsable d’une partie du spectacle et je faisais la mise en scène générale. C’était une autre forme de passation avec l’idée d’un message qui passe.

Marielle B. pour Passeurs de danse : Avais-tu, dans cette forme particulière de passation, pensé ou anticipé l’espace d’appropriation ou de réinterprétation possible à chaque échelon (danseur, élève) ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : C’est ça qui était intéressant ! Je ne contrôlais pas, ça pouvait m’échapper. Je laissais volontairement cet espace pour que chacun se réapproprie ce que j’avais transmis selon sa personnalité. L’objectif était que chacun prenne sa responsabilité et apporte son grain personnel.

Marielle B. pour Passeurs de danse : Finalement comment conçois-tu ton rôle de « passeuse de danse » à l’école ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Je dois dire qu’au regard de mes
charges de travail, à partir de 1999, ce sont plutôt mes danseurs
qui sont intervenus avec les scolaires. Ils ont beaucoup transmis
des outils accessibles, pédagogiquement exploitables, avec des
exigences claires. A l’école, je ne situe pas l’exigence du côté de la
perfection du geste car on ne forme pas des professionnels mais
du côté des moyens qu’on donne à la créativité, comme le travail
avec le groupe, les objets.
De plus, on a toujours mené le travail avec les scolaires en relation
avec nos créations. Je n’ai jamais voulu développer une pédagogie
à part même s’il a fallu, dans certaines interventions, intégrer les
idées de l’enseignant qui avait un projet.
En tous cas, la production d’un spectacle bien ficelé n’est pas la
priorité. L’essentiel est de permettre aux jeunes de produire un acte
créatif car c’est ce qu’ils emporteront avec eux toute leur vie quelque
soit leur métier. Et puis cela leur donne des clés pour comprendre
l’art contemporain et pas seulement la danse.

Je situe les enjeux de la danse à l’école dans la transmission de
modes de travail. Le travail peut être très agréable à faire, peut
procurer du plaisir mais il reste quand même un effort. On ne peut
pas danser sans effort. Il faut donc intégrer cette notion qui se situe
au niveau de l’acte conscient même avec de très jeunes enfants.
C’est cet « être conscient » qui permet de donner sa réponse
personnelle même au sein d’un groupe et participe à développer la
personnalité de chacun. Il y a un enjeu fort autour de la créativité
afin que l’adulte conserve un peu son âme d’enfant à travers le jeu.
Créer en danse, c’est jouer avec le temps, l’espace, les objets.
C’est donc préserver cette capacité de jouer qui fonde la créativité
et donc le sens critique, la remise en question et le doute. Que
l’incertitude et le doute ne fassent pas peur mais comprendre que
finalement c’est parce que j’essaie et je fais que j’arrive à quelque
chose.

Marielle B. pour Passeurs de danse : Le monde actuel avec Internet et l’importance de l’image redéfinit le rapport à l’oeuvre, aux spectacles. Comment perçois-tu cette évolution ?

Marilén IGLESIAS-BREUKER : Pour moi, c’est plus qu’une évolution ! C’est véritablement une mutation qui risque d’avoir des conséquences même dans nos corps. Je le vois déjà quand je donne des cours. Les corps d’aujourd’hui ne sont pas ceux des années 60-70, ils ont énormément changé, l’attitude corporelle n’est pas la même. Par exemple, avec les élèves du Diplôme d’Etat qui ont autour de 25 ans, quand je leur demande ce qui initie le mouvement, on passe beaucoup de temps avant d’arriver à la question de l’intention. Il y a du temps avant que quelqu’un ne dise « je me déplace parce que je veux aller vers ou quitter quelque chose ou quelqu’un ». Et cela est lié à l’attitude corporelle. La notion de ‘ce qui nous dépasse, l’infiniment grand et l’infiniment petit’, est moins présente, il y a une absence de repères. C’est ce que j’observe.

En même temps, il y a toujours eu des mutations qu’il faut savoir accepter tout en discernant leur côté positif et négatif.
Le fait que les gens soient disséminés partout dans le monde et reliés par Internet a quelque chose de l’ordre de la suspension, du vide. Etre connecté partout et nul part. Il peut y avoir un côté autiste, non relationnel. Quand on est connecté à son ordinateur, on n’est pas en relation avec celui qui est à côté de nous et qui peut même nous déranger. C’est l’aspect négatif.
Mais l’aspect positif, c’est la circulation des idées et des informations. Tout appartient à tout le monde, c’est quelque part la fin de la propriété privée. Tout cela va avoir des incidences.
En ce qui concerne l’art, en un sens c’est formidable. C’est ce que notre génération n’avait pas. A la limite, la culture peut être surdimensionnelle car on peut avoir accès à tout, regarder tout quand on veut. D’un autre côté, le spectacle vivant a-t-il encore sa place ? Le spectacle vu sur un écran remplace-t-il le spectacle en direct ? Le monde de la culture va-t-il résister au monde du divertissement qui prend de plus en plus de place ?
Je pense que l’émotion qui passe d’un corps à un autre dans le spectacle vivant n’est pas remplaçable. On ne ressent pas la même émotion esthétique face à une présence forte sur un plateau que sur un écran.
La vision prend effectivement de plus en plus d’importance par rapport aux autres sens, c’est pourquoi une « danse du sensible » qui développe tous les sens sera bénéfique. L’être ensemble, le collectif ne peuvent se vivre de la même manière sur Internet, ce qui renforce l’intérêt des danses de chour, par exemple.

Quand on est en mutation, il faut être vigilant à préserver ce qui est important : la pluralité des sens et des perceptions, l’être ensemble, la créativité, le sens critique et l’honnêteté intellectuelle en font partie.

Site : http://www.marilen.org/